Les C 90-40

Le virage du numérique

 

Alors que la France des années soixante découvrait le rock’n’roll ainsi que le confort apporté par les débuts de l’électro-ménager grand public, EDF, de façon novatrice a entamé le virage du numérique. En matière de système électrique, Il a porté sur deux volets, l’acheminement des informations au dispatching et la mise en œuvre de calculateurs. Il s’est déroulé en 3 grandes étapes :

 

  • Rapatrier un nombre significatif de mesures vers les dispatchings avec le projet Informations codées (lancement début des années 60)
  • Doter le dispatching national d’un ordinateur pour l’élaboration de plans de productions optimaux compte tenu du développement du réseau de grand transport et l’apparition de groupes de productions à coûts marginaux proches. (Lancement début des années 60)
  • Equiper le dispatching national et les huit dispatchings régionaux de systèmes informatiques permettant l’acquisition des données en provenance du terrain, la présentation à l’opérateur de ces données, leur surveillance et la réalisation de post-traitements sur celles-ci ou sur des données introduites par ailleurs.

 

Les calculateurs retenus

 

Les calculateurs retenus ont été des calculateurs construits sur licence américaine de la série C 90 xx. Orientés temps réel, il disposait de 48 Ko de mémoire vive (à tores) et 8 Mo de disques en ligne et était d’un volume équivalent à la station « les télécommunications et contrôle commande » du présent musée .

 

L’architecture retenue

 

L’architecture retenue est maintenant classique pour les SCADA, à savoir deux calculateurs fonctionnant en permanence, avec reprise automatique des traitements temps réel par la seconde machine en cas de panne de la première. Toutefois, compte tenu de la rareté des calculateurs à l’époque le calculateur de secours servait en heure ouvrable pour la facturation des clients, les statistiques, les développements logiciels et la mise à jour des données.

 

Le développement

 

Le développement de ce premier palier fût mené de concert entre le fournisseur retenu (CAE/CII) et EDF. Plus de quarante ans plus tard, la réussite de ce développement nous laisse encore admiratifs. Envisager que l’on puisse faire tenir, OS compris, les fonctionnalités d’un vrai SCADA de base avec moins de 100 Koctets de RAM semble aussi impossible que l’existence de la « fourmi de 18 mètres avec un chapeau sur la tête » de Robert Desnos. La réussite s’est notamment appuyée sur :

 

  • La mise en œuvre de concepts simples mais efficaces servis par une excellente connaissance des capacités de la machine.
  • L’optimisation au niveau du bit pour les tables système, mais aussi pour les données utilisateur.
  • L’optimisation, pour les instructions déroulées dans le scheduler, faite au niveau du nombre de cycles machine et non du nombre d’instructions.
  • L’optimisation des mouvements des bras de lecture du disque et donc des temps d’accès. La taille et l’emplacement des fichiers, y compris ceux contenant les exécutables des programmes, étaient gérés manuellement, les emplacements étant choisis pour que les mouvements des bras des disques soient minimisés
  • Une répartition judicieuse entre mémoire vive et disque, tant pour les programmes que pour les données.

 

L’exploit est d’autant plus grand que les tâches de production et de tests des logiciels étaient particulièrement lourdes et sans aucune aide.

 

La gestion des données

 

En l’absence de Système de Gestion de la Base de Données et de Système de Gestion de Fichiers, tout était manuel. Les cartes perforées constituaient le support initial des données de téléconduite et des données d’imagerie.  Un utilitaire permettait de lire ces cartes et de constituer des fichiers qui étaient ensuite versés sur disque.

 

Ce travail nécessitait une grande méticulosité :

 

  • La cohérence des données reposait entièrement sur les épaules des opérateurs de saisie,
  • Il en était de même pour la gestion des espaces disque : une erreur sur la taille d’un fichier et on allait écraser le fichier du voisin.

 

Le déploiement

 

Le déploiement aura lieu de 1967 à 1971.

 

A l’issue du développement initial et du déploiement ainsi que d’une formation adaptée, EDF reprendra rapidement la maintenance du logiciel (y compris celle du superviseur) qui sera répartie de façon originale entre les équipes des différents dispatchings (national et régionaux) pour la partie SCADA et Direction des Etudes et Recherches pour la partie modèles)

 

Les fonctionnalités pour les dispatchers

Chaque dispatcheur disposait d’un poste de travail à 1 ou 2 écrans alphanumériques monochromes et d’un clavier alphanumérique complété par des touches de fonction, le tout lui permettant :

 

  • D’afficher des schémas de poste simplifiés (représenté à l’aide des caractères disponibles),
  • D’afficher des listes de mesures par poste,
  • De mettre en ou hors surveillance des mesures,
  • De modifier des états de télésignalisations réputés faux (fonction masquage),
  • De consulter la liste des alarmes et des dépassements de seuils.

 

Compte tenu de leur durée de vie et des évolutions de l’exploitation du système électrique de nombreuses évolutions ont été développées ; nous ne retiendrons ici que quelques-unes :

 

  • Remplacement des écrans alphanumériques par des écrans semi-graphiques couleur avec en corollaire l’affichage de vrais schémas de postes renseignés.
  • Introduction de télécommande sur le réseau de transport : notamment pour traiter des changements de schémas pour l’évacuation de la production des houillères en dehors des heures ouvrables ou pour la gestion de la production des centrales des Pyrénées et notamment le délicat problème des démarrages dans les centrales comportant plusieurs groupes.
  • Introduction de modèles de calcul de réseau : analyse de sécurité dans l’approximation du courant continu :
    • Calcul de répartition.
    • Analyse de sécurité
    • Appréciation d’état. Ce modèle partait des prévisions de consommations effectuait un calcul de répartition qui permettait d’obtenir des valeurs sur les transfos THT/HT, l’écart entre ces valeurs calculées et les valeurs réelles à corriger les prévisions des consommations et plusieurs itérations permettaient d’avoir un état probable du réseau HT alors très peu télémesuré.
  • Connexion avec le système de gestion prévisionnel (SGEP) pour envoyer les réalisations et récupérer les prévisions.
  • Connexion avec les Calculateurs d’Acquisition (les CACQ), jouant le rôle de frontaux pour les 90-40, ( de 1977 à 1981 dans le cadre du SDART)

 

La maintenance matérielle

 

Historiquement assurée par CAE, puis CII, CII-HB et BULL au gré des rachats et fusions, elle a été reprise dans les années 80 par les services télécom des CRTT qui ont dû former des techniciens à des technologies, certes passionnantes, mais déjà obsolètes.

 

A l’époque la maintenance s’effectuait selon deux axes : la maintenance préventive (nettoyage et réglage en anticipation) et curative en cas de pannes. Les interventions descendaient jusqu’aux changements de composants élémentaires

 

La maintenance logicielle et l’exploitation

 

La maintenance logicielle a été rapidement reprise en main en interne. Dans chaque région, une équipe traitement de l’information comportait aux alentours de quatre analystes-programmeurs et deux techniciens. Les techniciens s’occupaient principalement des tâches d’exploitation courantes : mise à jour des données, aide aux tâches de facturation, de statistiques… Les analystes outre le développement des programmes et leur insertion en exploitation, étaient en charge de la maintenance logicielle et intervenaient en et hors des périodes d’heures ouvrables en cas de pannes.

 

Cette organisation un peu atypique a rempli pleinement ses objectifs en permettant une maintenance évolutive proche de l’exploitant des dispatchings et une continuité du service offert grandement satisfaisante le tout en s’appuyant sur des matériels somme toute assez fragiles et fortement contraints en place et en puissance. Par ailleurs, le potentiel acquis tant au niveau informatique que fonctionnel a été un des piliers sur lequel le palier SIRC s’est appuyé pour sa réussite.

 

Pour en savoir encore plus sur les C 90 40 reportez vous au conservatoire télécom d’Estel

 

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