Max et les ferrailleurs

Ou les trois vies d’un autocommutateur téléphonique.

Dans les années 75, un certain Roger Saunière travaillait à Paris aux Services Centraux. Il était spécialiste Radio et se déplaçait dans toutes les régions de France.

 

Un jour, entre 75 et 80, l’un de ses déplacements l’emmena du côté de Limoges, sans doute pour le déploiement d’un nouveau système radio.

 

Au même moment, le Centre de Distribution de Limoges avait décidé de moderniser l’installation téléphonique de sa Subdivision. L’autocommutateur en place, un Pentaconta 3×12 (lire : trois douze), de type Crossbar, fabriqué par la Compagnie Générale de Construction Téléphonique (CGCT), avait fait son temps.

 

Son remplaçant mis en service, l’ancien prit la direction de la décharge publique.

 

De nos jours, l’histoire s’arrêterait là.

 

En effet, les déchetteries actuelles sont d’une angoissante rigueur clinique et dénuées d’humanité. Essayez donc de récupérer un bout de ferraille pouvant encore servir, aperçu au fond d’une benne. Aussitôt un garde-chiourme vert fluo vous bondirait sur le râble et vous dénoncerait à la maréchaussée séance tenante !!!

 

Heureusement, en ces temps-là, les décharges plus ou moins sauvages avaient l’avantage d’offrir une seconde vie à certains rebuts intéressants.

 

Roger Saunière eut vent de la mise à la ferraille du 3 x 12 et pensa que c’était bien dommage.

 

Il retrouva rapidement la décharge et le 3 x 12… Ayant réquisitionné quelques gros bras de l’équipe télécom, il chargea l’autocom dans une camionnette et lui fit prendre le chemin de sa maison familiale, du côté d’Ussel, Corrèze.

 

L’autocom fut entreposé dans le garage en attendant une remise en service.

 

Petit à petit, chaque pièce de la maison fut équipée en câbles, en conjoncteurs téléphoniques et le garage fut agencé en mini salle télécom.

 

L’unique ligne PTT de la maison fut raccordée et le 3 x 12 reprit une activité de sénateur. Il cliquetait à nouveau de plaisir comme au bon vieux temps.

 

Il fonctionnait certainement en renvoi de nuit général. Je ne pense pas que Madame Saunière ait accepté de jouer les standardistes pendant des journées entières… Les appels étaient « ramassés » par l’un ou l’autre des postes de la maison à l’aide du préfixe qui va bien… le 2, je crois.

 

Le temps passa et l’autocom donna des signes de faiblesse. Hélas, les compétences de Roger Saunière en téléphonie n’étaient pas suffisantes pour résoudre toutes les pannes. Alors le 3 x 12 fut mit aux abonnés absents. Une longue traversée du désert. Mais il ne fut pas jeté pour autant.

 

En 1998, Roger Saunière apprit la récente existence d’ESTEL. Pour en savoir un peu plus, il appela ses connaissances encore en activité : Franck Perignon du SEISO à Brive puis Eric Jourdain et Jean-Claude Bourdenet du SEISO à Toulouse. L’un d’entre eux déposa plusieurs messages à l’attention de Jean-Pierre Lefévère, alors toujours en activité au SIRA à Lyon.

 

La boucle était bouclée.

 

En réunion de bureau, la décision ne mit pas longtemps à être prise.

 

Il fallait sauver le soldat 3 x 12.

 

Une expédition fut montée. Location de véhicule et contact avec Charly Chareyron à récupérer chez lui vers Saint Etienne, avant d’aller à Ussel.

 

Arrivés de bonne heure. Repas au resto du coin avec Roger Saunière.

 

Puis, déconnexion de l’autocom et chargement dans la camionnette.

 

Roger Saunière était tout heureux de voir que « son » 3 x 12 était en de bonnes mains et que sa bonne étoile veillait toujours sur lui. Sa destinée était décidément hors du commun.

 

Le lendemain, le 3 x 12 prit ses quartiers au 3 ème étage à Saint Amour, à Lyon dans les locaux d’ESTEL, Espace Télécommunications, petit musée des télécoms à EDF.

 

Le spécialiste de la téléphonie, Jean-Luc Jardet, se pencha avec bienveillance et prudence sur l’autocom.

 

Pas mal de condensateurs hors service, des résistances éclatées, des contacts douteux… d’ailleurs, nous attendons toujours le rapport d’intervention !

 

Passer d’un garage probablement peu chauffé à un local climatisé équipé en plancher technique… de quoi être tout ragaillardi !

 

Au bout des séances de dépannage, l’autocom retrouva sa prime jeunesse.

 

Une fois le 3 x 12 remis sur pieds, Daniel Gabaude et moi avons réalisé un oculus en plexiglas dans la porte métallique de façon à voir le relayage, sans être obligé d’ouvrir la porte.

 

A près de 55 ans et en plein dans sa 3 ème vie, le 3 x 12 tourne toujours comme une montre…

 

Etonnant, non ?

 

 

 

 

A la mémoire de Roger Saunière.

***

Le 3 X 12 remercie tous les acteurs…

***

 

 

 

 

 

Rédacteur : Alain Gondrand

 

20 mars 2017

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